La douche : le grand mythe
Première désillusion : la douche en camping-car. Sur les brochures, tu vois des gens souriants sous un jet d'eau. La réalité ? 3 minutes chrono, eau tiède si t'as de la chance, et un espace où tu te cognes les coudes contre les parois.
Pourquoi ? Parce que ton réservoir d'eau propre fait entre 80 et 120 litres selon les modèles. Et une douche, même courte, c'est 15 à 20 litres. Fais le calcul : 4 personnes, une douche chacun, et ton réservoir est à moitié vide en un jour.
Mon vécu terrain : Sur nos 8 mois de voyage, on s'est calés sur un rythme douche tous les 2 jours. Ma femme a mis 3 semaines à l'accepter. Les gamins ? Ils s'en fichaient. (Spoiler : c'est souvent les adultes qui galèrent le plus avec la frugalité.)
Alternative : les douches des campings ou des aires de services. Mais faut anticiper. Au Portugal, en plein été, j'ai fait la queue 45 minutes à l'aire de Lagos pour une douche. À 8h du mat'. Depuis, je me lève à 6h30 les jours de douche. Pas négociable.
Cuisiner dans un mouchoir de poche
L'espace cuisine d'un camping-car ? Entre 1,5 et 2m² selon les modèles. Deux feux gaz (rarement trois), un évier minuscule, un frigo de 90 à 150 litres. Oublie les plats mijotés élaborés.
Mais attention, c'est pas une fatalité. On a trouvé notre rythme au bout de 2-3 semaines :
- Courses tous les 2-3 jours max (le frigo tient pas plus)
- Plats simples : pâtes, riz, grillades, salades
- Un seul plat cuisiné par semaine, le reste c'est assemblage
- Vaisselle immédiate (pas de place pour stocker de la vaisselle sale)
Je me souviens d'un soir à Séville, avril 2019. J'avais voulu faire une paella pour l'anniversaire de mon fils. Résultat : 2h de préparation, fumée partout, les gamins affamés qui râlaient. Le riz avait attaché parce que mon feu gaz marchait mal. On a fini par commander des pizzas. Depuis, je garde les grandes ambitions culinaires pour les restos.
La promiscuité : le vrai test du couple
Le truc qu'aucun vendeur te dit : vivre à 4 dans 15m² pendant des mois, ça révèle tout. Les tensions, les non-dits, les agacements. Impossible de fuir dans une autre pièce.
On est passés par des moments très durs. Semaine 3 de notre voyage, quelque part en Andalousie. Ma femme craquait. Les enfants se disputaient. Moi je voulais "profiter du moment". On s'est engueulés sévère un soir, sur une aire déserte près de Ronda.
Ce qui a sauvé notre voyage
On a instauré des règles : 2h de "temps perso" par jour pour chaque adulte. Un parent sort marcher, l'autre reste avec les gamins. Et inversement. Sans cette soupape, on serait rentrés au bout d'un mois.
Mais attention, je suis pas en train de dire que c'est l'enfer. Les moments de complicité, les fous rires en famille, les couchers de soleil partagés : tout ça existe aussi. Mais faut être lucide sur le prix à payer. Le camping-car, c'est un accélérateur de relation. En bien ou en mal.
Lessive, courses, administratif : la logistique invisible
Les influenceurs vanlife sur Instagram ? Ils montrent jamais la lessive. Normal, c'est pas sexy. Pourtant, c'est minimum 3h par semaine de ta vie de camping-cariste.
Notre routine :
Organisation type d'une semaine
- Lundi : Laverie (2h minimum, entre lavage et séchage)
- Mercredi : Courses + vidange eaux usées
- Samedi : Plein d'eau propre + gaz si besoin
- En continu : Surveiller les niveaux (eau, batterie, gaz)
Le truc que j'avais sous-estimé : trouver une laverie en zone rurale, c'est parfois mission impossible. En Alentejo (Portugal), on a roulé 45 km pour en trouver une. Et elle était en panne. On a fini par laver à la main dans un camping, comme des sauvages.
Le sommeil : entre paradis et cauchemar
La qualité du lit, c'est peut-être le critère le plus sous-estimé dans le choix d'un camping-car. Pourquoi ? Parce que tu passes un tiers de ton voyage dedans.
Notre Pilote Galaxy 740 avait un lit central en 140x200. Correct pour deux, mais pas top. Après 3 mois, j'ai investi 280€ dans un surmatelas mémoire de forme. Meilleur investissement du voyage.
Erreur classique : Les lits pavillon (au-dessus de la cabine), c'est cool pour les gamins mais horrible pour les adultes. Monter et descendre à 2h du mat' pour aller aux toilettes ? Calvaire.
Et puis y'a le bruit. Le vent qui fait vibrer les parois. Les voisins d'aire qui rentrent à minuit. Le froid qui passe sous la porte. Les premiers temps, je dormais avec des bouchons d'oreilles. Au bout de 2 mois, j'étais habitué. Mais ma femme, jamais vraiment.
Les WC chimiques : le tabou absolu
Personne en parle, mais faut bien vider la cassette. Tous les 2-3 jours selon l'usage. Et c'est... une expérience.
Le 23 juin 2019, aire de Sintra au Portugal. Je vidais la cassette à la borne. Le bouchon a sauté. J'ai pris un geyser de... tu imagines. Depuis, j'ouvre toujours le bouchon à bout de bras, visage détourné. Glamour ? Non. Nécessaire ? Absolument.
(Petite nuance : si t'es en camping la plupart du temps, tu utilises les sanitaires du camping. Là c'est plus gérable. Mais en mode 100% aires, faut s'y faire.)
Le rythme de vie : tout ralentit
Le plus beau cadeau du camping-car ? Le temps. Plus de métro, plus de boulot, plus de course permanente. Mais attention, le ralentissement est brutal les premières semaines.
Moi qui gérais 15 événements en parallèle, j'ai mis 3 semaines à accepter de "ne rien faire". Ma tête tournait dans le vide. Je me créais des listes de trucs à faire alors qu'on était censés profiter.
Et puis un matin, quelque part sur la côte des Asturies, j'ai compris. On était là, en famille, à regarder la mer en buvant un café. Pas de réunion, pas de deadline, pas de téléphone qui sonne. Ce moment-là, il valait tous les sacrifices du quotidien en camping-car.
Bilan honnête
La vie quotidienne en camping-car, c'est 70% de contraintes logistiques et 30% de moments magiques. Mais ces 30% sont tellement intenses qu'ils compensent le reste. À condition d'être préparé. Et de pas idéaliser.
Damien Forestier
Ancien responsable logistique dans l'événementiel pendant 15 ans (coordination de tournées, gestion de flottes de véhicules). Burnout en 2018. A tout plaqué pour acheter un Pilote Galaxy 740 d'occasion et partir 8 mois en famille (femme + 2 enfants alors 9 et 12 ans). De retour, a créé une micro-activité de conseil en transition vers le camping-car (accompagnement primo-accédants) + ce site comme prolongement éditorial.
Article mis à jour le
Sources et références
- Travel For You — Guide pratique du voyage en camping-car en France
- Le Routard — Dossier complet sur le voyage en camping-car
- Camping-Car Park — Étude sur les destinations préférées des camping-caristes